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Le changement vient de l’intérieur

Photo du rédacteur: Bénédicte SpanuBénédicte Spanu

Dernière mise à jour : 29 sept. 2023

Comment se fait-il que nous exigions tant d'être convaincus de la nécessité de changer ? Et surtout, qu'est-ce qui fait que malgré l'accumulation de preuves, d'arguments, de faits rationnels et matériels, nous répugnons toujours à nous avouer pleinement convaincus et à changer vraiment ? L'exemple de notre inertie collective face au dérèglement climatique et aux enjeux environnementaux nous offre de ce point de vue un exemple particulièrement parlant.

Dans ce domaine précis, les scientifiques et experts du sujet se retrouvent en première ligne face à cet enjeu de la conviction car c’est sur eux que repose le plus la charge de la preuve. Plus que quiconque, c’est d’eux dont on exige qu’ils parviennent à nous convaincre de l’impératif et de l’urgence à agir, à grand renfort de données objectives et mesurables, d’éléments factuels et rationnels, de rapports d’étude sans cesse actualisés, … Car dans une société où tout se compte, se mesure, se classe, tout doit pouvoir se réduire en colonnes de chiffres dans des tableurs Excel, en pourcentage de progrès, en taux d’impact, en ROI, … Il faut des données. Des tonnes de données !


Les scientifiques deviennent ainsi malgré eux les victimes expiatoires de nos propres contradictions et incohérences, individuelles et collectives.


Plus ces professionnels rigoureux se mobilisent dans cette tâche, plus ils publient, informent, partagent, sensibilisent, nous abreuvent jusqu’à plus soif de ces fameuses et si précieuses données, plus ils sont pris à partie, décrédibilisés voire insultés et menacés, notamment sur les réseaux sociaux, selon la bonne vieille stratégie qui veut qu’on tue le messager pour ne pas avoir à entendre le message. Une stratégie qui semble malheureusement redoutablement efficace, puisque nombreux sont celles et ceux qui ont choisi de quitter certaines plateformes pour préserver leurs proches et leur santé mentale. Qui pourra les en blâmer ?


J’évoque ici les scientifiques mais c’est valable également pour tous les militants et responsables politiques écologistes et plus largement toutes les actrices et acteurs du changement qui font les frais, eux aussi, de ces attaques et campagnes de dénigrement, à plus ou moins grande ampleur selon leur visibilité et leur impact médiatiques.


Pour ma part, j’ai cessé de penser que nous avons besoin d'être convaincus pour agir. Si c’était réellement le cas, nous aurions déjà dû depuis longtemps engager des changements majeurs et à bien plus large échelle que nous n’avons réussi à le faire jusqu’à présent. Nous avons déjà accumulé suffisamment de preuves, et chaque jour nous en amène de nouvelles, qu’elles soient issues de la recherche scientifique, de notre simple observation de l’état du monde voire de notre propre expérience personnelle.

Face au déni, la conviction seule se révèle impuissante.


C’est le principe même du déni que de refuser la réalité. C’est un puissant mécanisme inconscient de protection, qui va faire obstacle, avec diligence et efficacité, à toute tentative de notre conscience d’accéder à une réalité qui nous dérange car trop angoissante, trop effrayante et potentiellement traumatisante.


C’est pourquoi les scientifiques sont soumis sans relâche aujourd’hui à toutes ces injonctions contradictoires : en apparence, nous n’avons de cesse d’exiger des raisons d’être convaincus mais en réalité, nous n’avons inconsciemment, profondément, viscéralement aucune intention de nous laisser convaincre un jour. Nous exigeons toujours le calcul supplémentaire, le phénomène de plus, la disparition d’une nouvelle espèce vivante, … quand bien même cela ne sera jamais suffisant et ne pourra jamais l'être.


Reconnaître enfin cela permettrait de cesser d’épuiser la communauté scientifique internationale dans ce combat épique perdu d’avance, pour leur permettre de se concentrer sur la compréhension des phénomènes et l’étude des solutions à mettre en œuvre. Ce serait beaucoup plus productif et rationnel. Voilà qui devrait pourtant réjouir nos décideurs…

Nous n’avons pas besoin d’être convaincus de changer.

Nous avons besoin de choisir de changer.


Simple pirouette sémantique me direz-vous ? Non, c’est plus que cela.


Être convaincu suppose un mouvement de l’extérieur vers l’intérieur : j’attends passivement que quelqu’un, quelque chose (un événement, une situation, une loi, un règlement, …) vienne m’influencer pour me faire changer. C’est rarement agréable car je ne l’ai pas choisi, je m’y suis conformé.e, soumis.e, contraint.e. Mais c’est paradoxalement confortable car je peux inconsciemment m’autoriser à me poser en victime, me plaindre, résister, esquiver, … et finalement abandonner plus ou moins rapidement mes nouvelles habitudes ou m’y soumettre aléatoirement et de mauvais gré. C’est donc finalement peu efficace et rarement pérenne.


Choisir de changer suppose au contraire un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur : je ressens, j’accueille, je comprends et j’agis. Cela ne part pas du mental, de l’intellect mais du cœur et des émotions. Voilà qui risque de déplaire aux adeptes de la rationalité… Mais j’oserais souligner ici, avec un certain pragmatisme à mon tour, que l’approche purement rationnelle ne me semble pas avoir jusqu’à présent porté de résultats particulièrement significatifs… Serait-il donc si déraisonnable d'explorer des méthodes alternatives, selon une approche agile et une logique de « test & learn » ? Oui, j’ai été consultante, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. 😊


Est-ce plus simple pour autant ? Pas vraiment. Tout changement reste complexe, principalement parce qu’il nous sort de notre zone de confort et que nous répugnons naturellement à cela. C’est humain.


Mais alors, sommes-nous condamnés à l’immobilisme ?

Et si la conviction seule ne suffit pas à engager le changement, sur quoi s'appuyer ?

 
Ceci est le second volet d'une série de trois articles sur le changement, dans lesquels j'ai souhaité partager mon point de vue et mes compréhensions de ce sujet aussi complexe que passionnant, au prisme de mon expérience personnelle et professionnelle.

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